Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pâles, les vêtements en désordre, la voix brisée par la fatigue et l’émotion, M. d’Escorval et l’abbé Midon s’obstinent à suivre les conjurés.

Ils voient à quel précipice courent ces pauvres gens, et ils demandent à Dieu une inspiration pour les arrêter.

En cinquante minutes, la distance qui sépare la Croix-d’Arcy de Montaignac est franchie.

Bientôt on aperçoit la porte de la citadelle, qui est celle que doivent livrer les officiers à demi-solde.

Il est onze heures et cependant cette porte est ouverte.

Cette circonstance ne prouve-t-elle pas aux conjurés que leurs amis de l’intérieur sont maîtres de la ville et qu’ils les attendent en force ?…

Ils avancent donc sans défiance, si certains du succès, que ceux qui ont des fusils ne prennent seulement pas la peine de les armer.

Seuls, M. d’Escorval et l’abbé Midon pressentent une catastrophe.

Le chef de l’expédition est près d’eux ; ils le conjurent de ne pas négliger les plus vulgaires précautions ; ils le pressent d’envoyer quelques hommes en reconnaissance, eux-mêmes s’offrent d’y aller, à condition qu’on attendra leur retour avant d’aller plus loin.

— Si un piège vous est tendu, lui disent-ils, n’y donnez pas tête baissée.

Mais on les repousse.

Déjà on a dépassé les ouvrages avancés ; la tête de colonne touche au pont-levis.

L’enthousiasme est devenu du délire ; c’est à qui le premier pénétrera dans la place.

Hélas !… à ce moment un coup de pistolet est tiré.

C’est un signal, car aussitôt, de tous côtés, éclate une fusillade terrible.

Trois ou quatre paysans tombent mortellement frappés… Tous les autres s’arrêtent, glacés de stupeur, cherchant d’où partent les coups…

L’indécision est affreuse ; cependant un chef énergi-