Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/206

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Elle tremblait pour la vie de son mari, et voici que son fils se précipitait au-devant du danger… Peut-être ; avant le coucher de ce soleil qui se levait, n’aurait-elle ni mari ni fils.

Et pourtant elle ne dit pas : « Non, je ne veux pas ! » Maurice ne remplissait-il pas un devoir sacré !… Elle l’eût aimé moins, si elle l’eût cru capable d’une lâche hésitation. Elle eût séché ses larmes s’il l’eût fallu, pour lui dire : « Pars ! »

Tout d’ailleurs n’était-il pas préférable aux horreurs de cette incertitude où on se débattait depuis des heures !…

Maurice gagnait déjà la porte pour monter revêtir un travestissement, l’abbé Midon lui fit signe de rester.

— Il faut, en effet, courir à Montaignac, lui dit-il, mais vous déguiser serait une folie. Infailliblement vous seriez reconnu, et indubitablement on vous appliquerait l’axiome que vous savez : « Tu te caches, donc tu es coupable. » Vous devez marcher ouvertement, la tête haute, exagérant l’assurance de l’innocence… Allez droit au duc de Sairmeuse et au marquis de Courtomieu, criez à l’injustice !… Mais je veux vous accompagner, nous irons en voiture à deux chevaux.

Maurice paraissait indécis.

— Suis les conseils de M. le curé, mon fils, dit Mme d’Escorval, il sait mieux que nous ce que nous devons faire.

— J’obéirai, mère !

L’abbé n’avait pas attendu cet assentiment pour courir donner l’ordre d’atteler. Mme d’Escorval sortit pour écrire quelques lignes à une amie dont le mari jouissait d’une certaine influence à Montaignac. Maurice et son amie restèrent seuls.

C’était, depuis l’aveu de Marie-Anne, leur première minute de solitude et de liberté.

Ils étaient debout, à deux pas l’un de l’autre, les yeux encore brillants de pleurs répandus, et ils restèrent ainsi