Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/214

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Le marquis prétendait déployer les plus effroyables — il disait les plus salutaires — rigueurs ; M. de Sairmeuse, au contraire, inclinait à l’indulgence.

L’un soutenait que du moment où Lacheneur, le chef de la conspiration, et son fils s’étaient dérobés aux poursuites, il était urgent d’arrêter Marie-Anne.

L’autre déclarait que saisir et emprisonner cette jeune fille serait un acte impolitique, une faute qui rendrait l’autorité plus odieuse et les conjurés plus intéressants.

Et, entêtés chacun dans son opinion, ils discutaient sans se convaincre.

— Il faut décourager les rebelles en les frappant d’épouvante ! criait M. de Courtomieu.

— Je ne veux pas exaspérer l’opinion, disait le duc.

— Eh !… qu’importe l’opinion !…

— Soit !… mais alors donnez-moi des soldats dont je sois sûr. Vous ne savez donc pas ce qui est arrivé cette nuit ? Il s’est brûlé de la poudre de quoi gagner une bataille, et il n’est pas resté quinze paysans sur le carreau. Nos hommes ont tiré en l’air. Vous ne savez donc pas que la légion de Montaignac est composée, pour plus de moitié, d’anciens soldats de Buonaparte qui brûlent de tourner leurs armes contre nous !…

Ni l’un ni l’autre n’osait dire la raison vraie de son obstination.

Mlle Blanche était arrivée le matin à Montaignac, elle avait confié à son père ses angoisses et ses souffrances et elle avait fait jurer qu’il profiterait de cette occasion pour la débarrasser de Marie-Anne.

De son côté, le duc de Sairmeuse, persuadé que Marie-Anne était la maîtresse de son fils, ne voulait à aucun prix qu’elle parût devant le tribunal. À la fin, le marquis céda.

Le duc lui avait dit : « Eh bien ! vidons cette querelle… » en regardant si amoureusement une paire de pistolets, qu’il avait senti un frisson taquin courir le long de sa maigre échine…