Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/220

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destination. Elle était humide à ce point qu’elle ne pouvait même servir de magasin au régiment d’artillerie ; les affûts des pièces y pourrissaient plus vite qu’en plein air. Une mousse noirâtre y couvrait les murs jusqu’à hauteur d’homme.

C’est cet endroit que le duc de Sairmeuse et le marquis de Courtomieu avaient choisi pour les séances de la commission militaire.

Tout d’abord, en y pénétrant, Maurice et l’abbé Midon sentirent comme un suaire de glace qui leur tombait sur les épaules. Une anxiété indéfinissable paralysa un instant toutes leurs facultés.

Mais la commission ne siégeait pas encore, ils purent se remettre et regarder…

Les dispositions prises pour transformer en tribunal cette salle lugubre attestaient la précipitation des juges et la volonté d’en finir promptement et brutalement.

On devinait le mépris absolu de toute forme et l’effrayante certitude du résultat.

Un vaste lit de camp, arraché à quelque corps de garde et apporté pendant la nuit par des soldats de corvée, figurait l’estrade. Il avait fallu le caller d’un côté pour faire disparaître l’inclinaison.

Sur cette estrade étaient placées trois tables grossières empruntées à la caserne, drapées de couvertes à cheval en guise de tapis. Des chaises de bois blanc attendaient les juges ; mais au milieu étincelait le siège du président, un superbe fauteuil sculpté et doré, envoyé par M. le duc de Sairmeuse.

Plusieurs bancs de chêne disposés bout à bout, sur deux rangs, étaient destinés aux accusés.

Enfin, des cordes à fourrage tendues d’un mur à l’autre et fixées par des crampons, divisaient en deux la chapelle. C’était une précaution contre le public.

Précaution superflue, hélas !…

L’abbé Midon et Maurice s’étaient attendus à trouver une foule trop grande pour la salle, si vaste qu’elle fût, et ils trouvaient presque la solitude.