Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est qu’ils avaient compté sans la lâcheté humaine. La peur, infâme conseillère, retenait au fond de leur logis les gens de Montaignac.

Il n’y avait pas vingt personnes en tout dans la chapelle.

Contre le mur du fond, dans l’ombre, une douzaine d’hommes se tenaient debout, pâles et roides, les yeux brillant d’un feu sombre, les dents serrées par la colère… c’étaient des officiers à la demi-solde. Trois autres hommes vêtus de noir causaient à voix basse près de la porte. Dans un angle, des femmes de la campagne, leur tablier relevé sur leur tête, pleuraient, et leurs sanglots rompaient seuls le silence… Celles-là étaient les mères, les femmes ou les filles des accusés…

Neuf heures sonnèrent. Un roulement de tambour fit trembler les vitres de l’unique fenêtre… Une voix forte au dehors cria : « Présentez… armes ! » La commission militaire entra, suivie du marquis de Courtomieu et de divers fonctionnaires civils.

Le duc de Sairmeuse était en grand uniforme, un peu rouge peut-être, mais plus hautain encore que de coutume. De tous les autres juges, un seul, un jeune lieutenant paraissait ému.

— La séance est ouverte !… prononça le duc de Sairmeuse, président.

Et d’une voix rude, il ajouta :

— Qu’on introduise les coupables.

Il n’avait même pas cette pudeur vulgaire de dire : les accusés.

Ils parurent, et un à un, jusqu’à trente, ils prirent place sur les bancs, au pied de l’estrade.

Chanlouineau portait haut la tête et promenait de tous côtés des regards assurés. Le baron d’Escorval était calme et grave, mais non plus que lorsqu’il était, jadis, appelé à donner son avis dans les conseils de l’Empereur.

Tous deux aperçurent Maurice, réduit à s’appuyer sur l’abbé pour ne pas tomber. Mais pendant que le baron