Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/229

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de Sairmeuse, mais abrégeons, abrégeons !… Il est déjà midi.

Alors commença une scène inouïe, honteuse, révoltante. À chaque moment, le duc interrompait les avocats, leur ordonnait de se taire, les interpellait ou les raillait…

— C’est chose incroyable, disait-il, de voir défendre de pareils scélérats…

Ou encore :

— Allez, vous devriez rougir de vous constituer les défenseurs de ces misérables !

Les avocats tinrent ferme, encore qu’ils sentissent l’inanité de leurs efforts. Mais que pouvaient-ils ?… La défense de ces vingt-neuf accusés ne dura pas une heure et demie…

Enfin la dernière parole fut prononcée, le duc de Sairmeuse respira bruyamment, et d’un ton qui trahissait la joie la plus cruelle :

— Accusé Escorval, levez-vous.

Interpellé, le baron se leva, digne, impassible…

Des sensations qui l’agitaient, et elles devaient être terribles, rien ne paraissait sur son noble visage.

Il avait réprimé jusqu’au sourire de dédain que faisait monter à ses lèvres la misérable affectation du duc à ne lui point donner le titre qui lui appartenait.

Mais en même temps que lui, Chanlouineau s’était dressé, vibrant d’indignation, rouge comme si la colère eût charrié à sa face tout le sang généreux de ses veines.

— Restez assis !… commanda le duc, ou je vous fais expulser…

Lui déclara qu’il voulait parler : il avait quelque chose à dire, des observations à ajouter à la plaidoirie des avocats…

Alors, sur un signe, deux grenadiers approchèrent, qui appuyèrent leurs mains sur les épaules du robuste paysan. Il se laissa retomber sur son banc, comme s’il eût cédé à une force supérieure, lui qui eût étouffé aisé-