Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/230

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ment ces deux soldats, rien qu’en les serrant entre ses bras de fer.

On l’eût dit furieux ; intérieurement il était ravi. Le but qu’il se proposait, il l’avait atteint. Ses yeux avaient rencontré les yeux de l’abbé Midon, et dans un rapide regard, inaperçu de tous, il avait pu lui dire :

— Quoi qu’il advienne, veillez sur Maurice, contenez-le… qu’il ne compromette pas, par quelque éclat, le dessein que je poursuis !…

La recommandation n’était pas inutile.

La figure de Maurice était bouleversée comme son âme ; il étouffait, il n’y voyait plus, il sentait s’égarer sa raison.

— Où donc est le sang-froid que vous m’avez promis !… murmura le prêtre.

Cela ne fut pas remarqué. L’attention, dans cette grande salle lugubre, était intense, palpitante… Si profond était le silence qu’on entendait le pas monotone des sentinelles de faction autour de la chapelle.

Chacun sentait instinctivement que le moment décisif était venu, pour lequel le tribunal avait ménagé et réservé tous ses efforts.

Condamner de pauvres paysans dont nul ne prendrait souci… la belle affaire !… Mais frapper un homme illustre, qui avait été le conseiller et l’ami fidèle de l’Empereur… Quelle gloire et quel espoir pour des ambitions ardentes, altérées de récompenses.

L’instinct de l’auditoire avait raison. S’ils jugeaient sans enquête préalable des conjurés obscurs, les commissaires avaient poursuivi contre M. d’Escorval une information relativement complète.

Grâce à l’activité du marquis de Courtomieu, on avait réuni sept chefs d’accusation, dont le moins grave entraînait la peine de mort.

— Lequel de vous, demanda M. de Sairmeuse aux avocats, consentira à détendre ce grand coupable ?…

— Moi !… répondirent ensemble ces trois hommes.