Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Prenez garde, fit le duc avec un mauvais sourire, la tâche est… lourde.

Lourde !… Il eût mieux fait de dire dangereuse. Il eût pu dire que le défenseur risquait sa carrière, à coup sûr… le repos de sa vie et sa liberté, vraisemblablement… sa tête, peut-être…

Mais il le donnait à entendre, et tout le monde le savait.

— Notre profession a ses exigences, dit noblement le plus âgé des avocats.

Et tous trois, courageusement, ils allèrent prendre place près du baron d’Escorval, vengeant ainsi l’honneur de leur robe, qui venait d’être misérablement compromis dans une ville de cent mille âmes, où deux pures et innocentes victimes de réactions furieuses, n’avaient pu, ô honte ! trouver un défenseur.

— Accusé, reprit M. de Sairmeuse, dites-nous votre nom, vos prénoms, votre profession ?

— Louis-Guillaume, baron d’Escorval, commandeur de l’ordre de la Légion d’honneur, ancien conseiller d’État du gouvernement de l’empereur.

— Ainsi, vous avouez de honteux services, vous confessez…

— Pardon, monsieur !… Je me fais gloire d’avoir servi mon pays et de lui avoir été utile dans la mesure de mes forces…

D’un geste furibond le duc l’interrompit :

— C’est bien !… fit-il, messieurs les commissaires apprécieront… C’est sans doute pour reconquérir ce poste de conseiller d’État que vous avez conspiré contre un prince magnanime avec ce vil ramassis de misérables !…

— Ces paysans ne sont pas des misérables, monsieur, mais bien des hommes égarés. Ensuite, vous savez, oui, vous savez aussi bien que moi que je n’ai pas conspiré.

— On vous a arrêté les armes à la main dans les rangs des rebelles !…