Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/233

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entendu, il doit l’être… Les commissions militaires ne sont pas au-dessus des lois qui régissent les tribunaux ordinaires.

— Si je ne dis pas la vérité, reprit l’abbé Midon, avec une animation extraordinaire, je suis donc un faux témoin, pis encore, un complice… Votre devoir en ce cas est de me faire arrêter…

La physionomie du duc de Sairmeuse exprimait une hypocrite compassion.

— Non, monsieur le curé, dit-il ; non, je ne vous ferai pas arrêter… Je saurai éviter le scandale que vous recherchez… Nous aurons pour l’habit les égards que l’homme ne mérite pas… Une dernière fois, retirez-vous, sinon je me verrai contraint d’employer la force !…

À quoi eût abouti une résistance plus longue ?… À rien. L’abbé, plus blanc que le plâtre des murs, désespéré, les yeux pleins de larmes, regagna sa place près de Maurice.

Les avocats, pendant ce temps, protestaient avec une énergie croissante… Mais le duc, à grand renfort de coups de poing sur la table, finit par les réduire au silence.

— Ah ! vous voulez des dépositions ! s’écria-t-il. Eh bien ! vous en aurez. Soldats, introduisez le premier témoin.

Un mouvement se fit parmi les grenadiers de garde, et presque aussitôt parut Chupin, qui s’avança d’un air délibéré.

Mais sa contenance mentait ; un observateur l’eût vu à ses yeux, dont l’inquiète mobilité trahissait ses terreurs.

Même, il eut dans la voix un tremblement très-appréciable, quand, la main levée, il jura sur son âme et conscience de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

— Que savez-vous de l’accusé Escorval ? demanda le duc.

— Il faisait partie du complot qui a éclaté dans la nuit du 4 au 5.