Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/234

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— En êtes-vous bien sûr ?

— J’ai des preuves.

— Soumettez-les à l’appréciation de la commission.

Le vieux maraudeur se rassurait.

— D’abord, répondit-il, c’est chez M. d’Escorval que M. Lacheneur a couru après qu’il a eu restitué, bien malgré lui, à M. le duc, le château des ancêtres de M. le duc… M. Lacheneur y a rencontré Chanlouineau, et de ce jour-là date le plan de la conjuration.

— J’étais l’ami de Lacheneur, il était naturel qu’il vînt me demander des consolations après un grand malheur.

M. de Sairmeuse se retourna vers ses collègues.

— Vous entendez ! fit-il. Le sieur Escorval appelle un grand malheur la restitution d’un dépôt !… Continuez, témoin.

— En second lieu, reprit Chupin, l’accusé était toujours fourré chez M. Lacheneur…

— C’est faux, interrompit le baron, je n’y suis allé qu’une fois, et encore, ce jour-là, l’ai-je conjuré de renoncer…

Il s’arrêta, comprenant trop tard la terrible portée de ce qu’il disait. Mais ayant commencé, il ne voulut pas reculer, et il ajouta :

— Je l’ai conjuré de renoncer à ses projets de soulèvement.

— Ah !… vous les connaissiez donc, ces projets impies ?

— Je les soupçonnais…

La non révélation d’un complot, c’était l’échafaud… Le baron d’Escorval venait, pour ainsi dire, de signer son arrêt de mort.

Étrange caprice de la destinée !… Il était innocent, et cependant, en l’état de la procédure, il était le seul de tous les accusés qu’un tribunal régulier eût pu condamner légalement, un texte sous les yeux.

Maurice et l’abbé Midon étaient atterrés de cet abandon de soi, mais Chanlouineau, qui s’était retourné