Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/237

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Cet effet d’audience devait avoir été préparé. M. de Courtomieu chaussa ses lunettes, tira de sa poche un papier qu’il déplia, et au milieu d’un silence de mort, il lut :

« Moi, Blanche de Courtomieu, soussignée, après avoir juré sur mon âme et conscience de dire la vérité, je déclare :

Dans la soirée du 4 février dernier, entre dix et onze heures, suivant en voiture la route qui conduit de Sairmeuse à Montaignac, j’ai été assaillie par une horde de brigands armés. Pendant qu’ils délibéraient pour savoir s’ils devaient s’emparer de ma personne et piller ma voiture, j’ai entendu l’un d’eux s’écrier en parlant de moi : « Il faut qu’elle descende, n’est-ce pas M. d’Escorval ? » Je crois que le brigand qui a prononcé ces paroles est un homme du pays nommé Chanlouineau, mais je n’oserais l’affirmer. »

Un cri terrible, suivi de gémissements inarticulés, interrompit le marquis.

Le supplice enduré par Maurice était trop grand pour ses forces et pour sa raison. Il venait de s’élancer vers le tribunal pour crier : « C’est à moi que s’adressait Chanlouineau, seul je suis coupable, mon père est innocent !… »

L’abbé Midon, par bonheur, eut la présence d’esprit de se jeter devant lui et d’appliquer sa main sur sa bouche…

Mais le prêtre n’eût pu contenir ce malheureux jeune homme sans les officiers à demi-solde placés près de lui.

Devinant tout peut-être, ils entourèrent Maurice, l’enlevèrent et le portèrent dehors, bien qu’il se débattit avec une énergie extraordinaire.

Tout cela ne prit pas dix secondes.

— Qu’est-ce ? fit le duc, en promenant sur l’auditoire un regard irrité.

Personne ne souffla mot.