Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/239

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Il se retourna vers les avocats, et d’un air dédaigneux et ennuyé :

— Maintenant, leur dit-il, parlez, puisqu’il le faut absolument, mais pas de phrases !… Nous devrions avoir fini depuis une heure.

Le plus âgé des avocats se leva, frémissant d’indignation, prêt à tout braver pour dire sa pensée ; mais le baron l’arrêta.

— N’essayez pas de me défendre, monsieur, prononça-t-il froidement… ce serait inutile !… Je n’ai qu’un mot à dire à mes juges : qu’ils se souviennent de ce qu’écrivait au roi le noble et généreux maréchal Moncey : l’échafaud ne fait pas d’amis !

Ce souvenir n’était pas de nature à émouvoir beaucoup la commission. Le maréchal, pour cette phrase, avait été « destitué » et condamné à trois mois de prison…

Cependant, les avocats ne prenant pas la parole, le duc de Sairmeuse résuma les débats et la commission se retira pour délibérer.

M. d’Escorval restait pour ainsi dire avec ses défenseurs. Il leur serra affectueusement la main, et en termes qui attestaient la liberté de son esprit, il les remercia de leur dévouement et de leur courage.

Ces hommes de cœur pleuraient…

Alors, le baron attira vers lui le plus âgé, et rapidement, tout bas, d’une voix émue :

— J’ai, monsieur, lui dit-il, un dernier service à vous demander… Tout à l’heure, quand la sentence de mort aura été prononcée, rendez-vous près de mon fils… Vous lui direz que son père mourant lui ordonne de vivre… il vous comprendra. Dites-lui bien que c’est ma dernière volonté : Qu’il vive… pour sa mère !…

Il se tut, la commission rentrait…

Des trente accusés, neuf, déclarés non coupables, étaient relâchés…

Les vingt-et-un autres, et M. d’Escorval et Chanlouineau étaient de ce nombre, étaient condamnés à mort !…

Chanlouineau souriait toujours !…