Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/240

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XXVIII


L’abbé Midon avait eu raison de se reposer sur la parole des officiers à demi-solde.

Voyant que toutes leurs instances ne décideraient pas Maurice à s’éloigner de la citadelle, ces hommes de cœur le saisirent chacun sous un bras, et littéralement l’emportèrent.

Bien leur en prit d’être robustes, car Maurice fit, pour leur échapper, les efforts les plus désespérés… Chaque pas en avant fut le résultat d’une lutte.

— Laissez-moi ! criait-il en se débattant, laissez-moi aller où le devoir m’appelle !… vous me déshonorez en prétendant me sauver !…

Et au bruit de ce qui leur paraissait être un rêve, les gens de Montaignac entre-bâillaient leurs volets et jetaient dans la rue un regard inquiet.

— C’est, disaient-ils, le fils de cet honnête homme, qu’on va condamner… Pauvre garçon ! comme il doit souffrir !…

Oui, il souffrait, et comme on ne souffre pas dans les convulsions de l’agonie ! Voilà donc où l’avait conduit son amour pour Marie-Anne, ce radieux amour à qui tout jadis avait semblé sourire…

Misérable fou !… Il s’était jeté à corps perdu dans une entreprise insensée, et on faisait remonter à son père la responsabilité de ses actes !… Il vivrait, lui, coupable, et son père innocent serait jeté au bourreau !

Mais la faculté de souffrir a ses limites…

Une fois dans la chambre de l’hôtel, entre sa mère et Marie-Anne, Maurice se laissa tomber sur une chaise,