Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/254

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui répondrez que c’est cependant à lui de trouver un moyen, s’il ne veut pas que la lettre soit envoyée à Paris, à un de ses ennemis…

Il s’arrêta, les verroux grinçaient… Le caporal Bavois reparut.

— La demi-heure est passée depuis dix minutes, fit-il tristement… j’ai ma consigne.

— Allons !… murmura Chanlouineau, tout est fini !…

Et remettant à Marie-Anne la seconde lettre :

— Celle-ci est pour vous… ajouta-t-il. Vous la lirez quand je ne serai plus… De grâce… ne pleurez pas ainsi !… Il faut du courage !… Vous serez bientôt la femme de Maurice… Et quand vous serez heureuse, pensez quelquefois à ce pauvre paysan qui vous a tant aimée !…

Quand il se fût agi de sa vie et de celle de tous les siens, Marie-Anne n’eût pu prononcer une parole… Mais elle avança son visage vers celui de Chanlouineau…

— Ah ! je n’osais vous le demander, s’écria-t-il.

Et pour la première fois il serra Marie-Anne entre ses bras, et de ses lèvres effleura ses joues pâlies…

— Allons, adieu, dit-il encore… ne perdez plus une minute. Adieu !…

XXIX


La perspective de s’emparer de Lacheneur, le chef du mouvement, émoustillait si fort M. le marquis de Courtomieu, qu’il n’avait pas quitté la citadelle, encore que l’heure de son dîner eût sonné.

Posté à l’entrée de l’obscur corridor qui conduisait au cachot de Chanlouineau, il guettait la sortie de Marie-Anne. En la voyant passer aux dernières clartés du jour,