Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/255

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rapide et toute vibrante d’énergie, il douta de la sincérité du soi-disant révélateur.

— Ce misérable paysan se serait-il joué de moi !… pensa-t-il.

Si aigu fut le soupçon, qu’il s’élança sur les traces de la jeune fille, résolu à l’interroger, à lui arracher la vérité, à la faire arrêter au besoin.

Mais il n’avait plus son agilité de vingt ans. Quand il arriva au poste de la citadelle, le factionnaire lui répondit que Mlle Lacheneur venait de passer le pont-levis. Il le franchit lui-même, regarda de tous côtés, n’aperçut personne et rentra furieux.

— Allons toujours visiter Chanlouineau, se dit-il ; demain, il fera jour pour mander cette péronnelle et la questionner.

Cette « péronnelle, » ainsi que le disait le noble marquis, remontait alors la longue rue mal pavée qui mène à l’Hôtel de France.

Insoucieuse de soi et de la curiosité des rares passants, uniquement préoccupée d’abréger des angoisses mortelles.

Avec quelles palpitations devaient attendre son retour Mme d’Escorval et Maurice, l’abbé Midon et les officiers à demi-solde eux-mêmes !…

— Tout n’est peut-être pas perdu !… s’écria-t-elle en entrant.

— Mon Dieu ! murmura la baronne, vous avez donc entendu mes prières !…

Mais saisie aussitôt d’une appréhension terrible, elle ajouta :

— Ne me trompez-vous pas ?… Ne cherchez-vous pas à m’abuser d’irréalisables espérances ?… Ce serait une pitié cruelle !…

— Je ne vous trompe pas, madame !… Chanlouineau vient de me confier une arme qui, je l’espère, mettra M. de Sairmeuse à notre absolue discrétion… Il est tout-puissant à Montaignac ; le seul homme qui pourrait tra-