Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/276

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tenait un de ces longs paniers à compartiments qui servent à porter le repas des officiers de garde.

Ces hommes étaient visiblement très-émus, et cependant, obéissant à un sentiment de délicatesse instinctive, ils affectaient une sorte de gaieté.

— C’est votre dîner, monsieur, que nous vous apportons, dit l’un d’eux, il doit être très-bon, car il vient de la cuisine du commandant de la citadelle.

M. d’Escorval sourit tristement… Certaines attentions des geôliers ont une signification sinistre.

Cependant, lorsqu’il s’assit devant la petite table qu’on venait de lui préparer, il se trouva qu’il avait réellement faim.

Il mangea de bon appétit, et causa presque gaiement avec les soldats.

— Il faut toujours espérer, monsieur, lui disaient ces braves garçons… Qui sait !… On en a vu revenir de plus loin.

Ayant fini, le baron demanda qu’on lui laissât la lumière et qu’on lui apportât du papier, de l’encre et des plumes… Il fut fait selon ses désirs.

Il se trouvait seul de nouveau, mais la conversation des soldats lui avait été utile… La défaillance de son esprit était passée, le sang-froid lui était revenu, il pouvait réfléchir.

Alors il s’étonna d’être sans nouvelles de Mme d’Escorval et de Maurice.

Leur aurait-on donc refusé l’accès de sa prison ?… Non, il ne pouvait le croire, il ne pouvait imaginer qu’il existât des hommes assez cruels pour empêcher un malheureux de presser contre son cœur, dans une suprême étreinte, avant de mourir, sa femme et son fils…

C’était donc que ni la baronne ni Maurice n’avaient essayé d’arriver jusqu’à lui. Comment cela se faisait-il ?… Certainement, il était survenu quelque chose !… Quoi ?

Son imagination lui représentait les pires malheurs… Il voyait sa femme agonisante, morte peut-être… Il