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Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/283

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vous a prié de ma part de me rejoindre ici, vous êtes venu, vous avez vu, vous me promettez de rester neutre… je suis tranquille. Le baron sera en Piémont, respirant l’air à pleins poumons, quand le soleil se lèvera.

Il avait fini d’arranger les cordes, il prit la lanterne et continua d’un ton léger :

— Mais sortons… mon père ne peut éternellement haranguer les soldats.

— Cependant, insista M. de Courtomieu, vous ne m’avez pas dit…

— Je vous dirai tout, mais ailleurs… venez, venez…

Ils sortirent, la serrure et les verroux grincèrent, et alors le baron se redressa.

Toutes sortes d’idées contradictoires, de suppositions bizarres, de doutes et de conjectures se pressaient dans son esprit.

Que contenait donc cette lettre ?… Comment Chanlouineau ne s’en était-il pas servi pour son propre salut ?… Qui jamais eût cru Martial si fidèle à une parole arrachée par des menaces ?… Il s’inquiétait surtout de la façon dont lui parviendraient les cordes.

Mais c’était le moment d’agir, non de réfléchir… les barreaux étaient énormes et il y en avait deux rangées…

M. d’Escorval se mit à la besogne.

Il avait jugé sa tâche difficile !… Elle l’était mille fois plus qu’il ne l’avait soupçonné, il le reconnut tout d’abord.

C’était la première fois qu’il se servait d’une lime, et il ne savait comment la manœuvrer. Elle mordait, il est vrai, elle entamait le fer, mais avec une lenteur désespérante, et bien plus en surface qu’en profondeur.

Et ce n’était pas tout… Quelques précautions que prit le baron, chaque coup de lime rendait un son aigre, strident, qui glaçait son sang dans ses veines… Si on allait entendre ce bruit !… il lui paraissait impossible qu’on ne l’entendit pas, tant il lui semblait formidable !…