Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/282

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L’impertinence était si forte, que M. de Courtomieu eut comme une velléité de colère et presque l’envie de se fâcher.

Mais ce n’était pas un homme de premier mouvement, cet ancien chambellan de l’empereur, devenu grand prévôt de la Restauration.

Il réfléchit… Devait-il, pour un mot piquant, se brouiller avec Martial, avec ce prétendant inespéré qu’avait agréé sa fille… Une rupture… plus de gendre ! Le ciel lui en enverrait-il un autre ? Et quelle ne serait pas la fureur de Mlle Blanche.

Il avala donc l’amère pilule, et c’est avec l’accent d’une indulgence toute paternelle qu’il dit :

— Vous êtes jeune, mon cher Martial…

Toujours agenouillé contre la porte murée, retenant son haleine, l’œil et l’oreille au guet, toutes les forces de son esprit tendues jusqu’à la souffrance, le baron d’Escorval respira…

— Vous n’avez que vingt ans, mon cher Martial, poursuivait M. de Courtomieu d’un ton paterne, vous avez l’ardente générosité de votre âge… Achevez donc votre entreprise, je n’y mettrai pas obstacle, seulement songez que tout peut être découvert, et alors…

— Rassurez-vous, monsieur, interrompit le jeune homme, toutes mes mesures sont bien prises… Avez-vous rencontré un soldat le long des corridors ? Non. C’est que mon père, sur ma prière, a réuni tous les hommes de garde, même les factionnaires, sous prétexte de prescrire des précautions exceptionnelles… Il leur parle en ce moment. Voilà comment j’ai pu monter ici sans être aperçu… Nul ne me verra quand je sortirai… Qui donc après l’évasion oserait me soupçonner !…

— Si le baron s’évade, la justice se demandera qui l’a aidé…

Martial riait.

— Si la justice cherche, répondit-il, elle trouvera un coupable de ma façon… Allez, j’ai tout prévu… Je n’avais qu’une personne à craindre : vous. Un homme sûr