Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/286

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Ayant retiré le bouchon du litre d’eau-de-vie qu’il avait apporté, il le fixa à l’extrémité d’une des limes et il enveloppa ensuite d’un linge mouillé le manche de l’outil.

— C’est ce qu’on appelle mettre une sourdine à son instrument !… fit-il.

Déjà il avait reconnu les barreaux ; il se mit à les attaquer énergiquement.

Alors, on put reconnaître qu’il n’avait exagéré ni son savoir-faire ni l’efficacité de ses précautions pour assourdir l’opération.

Le fer, sous sa main habile et prompte, s’émiettait et s’entaillait à miracle, et la limaille pleuvait sur l’appui de la fenêtre.

Et nul bruit, aucun de ces aigres grincements qui avaient tant épouvanté le baron. À peine eût-on dit le frottement de deux morceaux de bois dur l’un contre l’autre…

N’ayant rien à redouter des plus habiles oreilles, Bavois avait songé à se mettre à l’abri des regards…

La porte de la chambre était percée d’un guichet et à tout moment quelque factionnaire pouvait y mettre l’œil.

Intercepter ce judas en accrochant au-dessus un vêtement eût éveillé des soupçons… le caporal avait trouvé mieux.

Déplaçant la petite table de la prison, il y avait posé la lumière de telle sorte que la fenêtre restait totalement dans l’ombre.

De plus, il avait commandé au baron de s’asseoir, et lui remettant un journal, il lui avait dit :

— Lisez, monsieur, à haute voix, sans interruption, lisez jusqu’à ce que vous me voyez cesser ma besogne…

Comme cela, on pouvait défier les factionnaires du corridor… Ils n’avaient qu’a venir !… Quelques-uns vinrent, qui ensuite dirent à leurs camarades :

— Nous avons vu le condamné à mort… il est très--