Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/29

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Son regard, quand il entra dans le salon, ayant rencontré celui de Marie-Anne, il devint cramoisi, et la jeune fille se détourna à demi, rougissant jusqu’à la racine des cheveux.

— Monsieur, dit ce jeune homme, mon père m’envoie vous dire que le duc de Sairmeuse et son fils viennent d’arriver. Ils ont demandé l’hospitalité à M. le curé.

M. Lacheneur s’était levé, dissimulant mal son trouble affreux.

— Vous remercierez le baron d’Escorval de son attention, mon cher Maurice, répondit-il, j’aurai l’honneur de le voir aujourd’hui même, après une démarche bien grave que nous allons faire, ma fille et moi.

Le jeune d’Escorval avait vu, du premier coup d’œil, que sa présence était importune, aussi ne resta-t-il que quelques instants.

Mais quand il se retira, Marie-Anne avait eu le temps de lui dire tout bas, et sans vouloir s’expliquer autrement :

— Je crois connaître votre cœur, Maurice, ce soir, je le connaîtrai certainement.

III


Peu de gens à Sairmeuse connaissaient autrement que de nom ce terrible duc dont l’arrivée mettait le village en émoi.

C’est à peine si quelques anciens du pays se rappelaient l’avoir entrevu, autrefois, avant 89, lorsqu’il venait, à de longs intervalles, rendre visite à sa tante, la vieille demoiselle Armande.