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XXXI


Chupin avait perdu le sommeil, presque le boire, depuis ce matin funeste où il avait vu flamboyer, sur les murs de Montaignac, l’arrêté de M. le duc de Sairmeuse, promettant à qui livrerait Lacheneur, mort ou vif, une gratification de 20,000 francs.

L’odieuse provocation s’adressait à de telles âmes.

— Vingt mille francs, répétait-il, d’un air sombre, vingt sacs de cent pistoles chaque, pleins à crever, de pièces de cent sous, où je puiserais à même comme un richard !… Ah ! je découvrirai Lacheneur, fût-il à cent pieds sous terre, je le dénoncerai et la toucherai la récompense !…

L’infamie du crime, le nom de traître et d’infâme qui lui en reviendrait, la honte et la réprobation qui en résulteraient pour lui et les siens ne l’arrêtèrent pas un instant.

Il ne voyait, il ne pouvait voir qu’une seule chose… la prime, le prix du sang…

Le malheur est qu’il n’avait pour guider ses recherches, aucun indice, même vague.

Tout ce qu’on savait à Montaignac, c’était que le cheval de M. Lacheneur avait été tué à la Croix-d’Arcy, on l’avait reconnu en travers de la route.

Mais on ignorait si M. Lacheneur avait été blessé ou s’il s’était tiré sain et sauf de la mêlée. Avait-il gagné la frontière ?… Était-il allé demander un asile à quelque fermier de ses amis ?…

Donc Chupin se « mangeait le sang, » selon son expression, quand le jour même du jugement, sur les deux heures et demie, comme il sortait de la citadelle après