Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/326

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Ils s’accusaient réciproquement de la précipitation fatale des juges, de l’oubli de toute procédure, de l’injustice de l’arrêt rendu.

Chacun prétendait rejeter sur l’autre et le sang versé et l’exécration publique.

Du moins, espéraient-ils obtenir la grâce des six condamnés dont ils avaient suspendu l’exécution.

Ils ne l’obtinrent pas.

Une nuit, un courrier arriva à Montaignac, qui apportait de Paris cette laconique dépêche :

« Les vingt-et-un condamnés doivent être exécutés. »

Quoi qu’eût pu dire le duc de Richelieu, le conseil des ministres entraîné par M. Decazes, ministre de la police, avait décidé que les grâces devaient être rejetées…

Cette dépêche devait atterrer le duc de Sairmeuse et M. de Courtomieu. Ils savaient mieux que personne combien peu méritaient la mort ces pauvres gens dont ils avaient voulu, trop tard, sauver la vie. Ils savaient, cela était prouvé et public, que de ces six condamnés deux n’avaient pris aucune part au complot.

Que faire ?

Martial voulait que son père résignât son autorité, le duc n’eut pas ce courage.

M. de Courtomieu l’emporta. Il disait que tout cela était bien fâcheux, mais que le vin étant tiré il fallait le boire, qu’on ne pouvait se déjuger sans s’attirer une disgrâce éclatante.

C’est pourquoi, le lendemain, les funèbres roulements du tambour se firent encore une fois entendre, et les six condamnés — dont deux reconnus innocents — furent conduits sous les murs de la citadelle et fusillés à la place même où, sept jours auparavant, étaient tombés les quatorze malheureux qui les avaient précédés dans la mort…

Et cependant l’organisateur du complot n’était pas jugé encore.

Enfermé dans un cachot voisin de celui de Chanlouineau, Lacheneur était tombé dans un morne engourdis-