Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/338

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Bavois arriva en bas trop vite, les mains et les genoux affreusement déchirés, mais sain et sauf.

Il tomba comme une masse, et le choc, lorsqu’il toucha terre, fut si rude qu’il lui arracha une plainte rauque, comme un mugissement de bête assommée.

Durant plus d’une minute, il demeura à terre, ahuri, étourdi.

Quand il se releva, deux hommes qu’il reconnut pour des officiers à demi-solde, le saisirent par les poignets, les serrant à les briser…

— Eh !… doucement, fit-il, pas de bêtises, c’est moi, Bavois !…

Ceux qui le tenaient ne le lâchèrent pas.

— Comment se fait-il, demanda l’un d’eux, d’un ton de menace, que le baron d’Escorval ait été précipité et que vous ayez réussi à descendre ensuite ?…

Le vieux soldat avait trop d’expérience pour ne pas comprendre toute la portée de cette humiliante question.

La douleur et l’indignation qu’il en ressentit, lui donnèrent la force de se dégager.

— Mille tonnerres !… s’écria-t-il, je passerais pour un traître, moi !… Non, ce n’est pas possible… écoutez-moi.

Et aussitôt, rapidement et avec une surprenante précision, il raconta tous les détails de l’évasion, sa douleur, ses angoisses, et quels obstacles en apparence insurmontables il avait su vaincre.

Il n’avait pas besoin de tant se débattre. L’entendre c’était le croire…

Les officiers lui tendirent la main, sincèrement affligés d’avoir froissé un tel homme, si digne d’estime et si dévoué.

— Vous nous excuserez, caporal, dirent-ils tristement, le malheur rend défiant et injuste, et nous sommes malheureux…

— Il n’y a pas d’offense, mes officiers, grogna-t-il… Si je m’étais défié, moi, le pauvre M. d’Escorval… un