Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/360

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blié sans doute par quelque voyageur, et qui depuis traînait sur les tables…

Maurice le prit et lut :

« Hier, a été exécuté Lacheneur, le chef des révoltés de Montaignac. Ce misérable perturbateur a conservé jusque sur l’échafaud l’audace coupable dont il avait donné tant de preuves… »

Tout le reste de l’article, écrit sous l’empire des idées de M. de Sairmeuse et du marquis de Courtomieu, était sur ce ton.

— Mon père a été exécuté ! reprit Marie-Anne d’un air sombre, et je n’étais pas là, moi, sa fille, pour recueillir sa volonté suprême et son dernier regard…

Elle se leva, et d’un ton bref et impérieux :

— Je n’irai pas plus loin, déclara-t-elle ; il faut revenir sur nos pas, à l’instant, sans perdre une minute ! je veux rentrer en France…

Rentrer en France… s’exposer à des périls mortels !… À quoi bon !… Le malheur affreux n’était-il pas irréparable ?…

C’est ce que fit remarquer le caporal Bavois ; bien timidement, par exemple !… Il tremblait, ce vieux soldat, qu’on ne le soupçonnât d’avoir peur…

Mais Maurice ne l’écouta pas.

Il frissonnait !… Il lui semblait que le baron d’Escorval avait dû être atteint et frappé en même temps que M. Lacheneur.

— Oui, partons, s’écria-t-il, rentrons !…

Et comme il ne devait plus être question de prudence, jusqu’au moment où ils fouleraient le sol français, ils se procurèrent une voiture pour les conduire, par la grande route, jusqu’au point le plus rapproché de la frontière.

Mais une grave question, terrible, contenant tout leur avenir, préoccupait Maurice et Marie-Anne pendant que les chevaux les emportaient.

Marie-Anne avouerait-elle sa grossesse ?