Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/365

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En trois bonds, l’abbé Midon descendit le roide escalier.

— Malheureux !… s’écria-t-il en marchant sur les trois imprudents, que voulez-vous ?…

Et s’adressant à Maurice :

— C’est par vous et pour vous que votre père a failli mourir !… Craignez-vous donc qu’il en réchappe, que vous revenez, au risque de montrer aux délateurs le chemin de sa retraite !… Partez.

Le pauvre garçon, atterré, balbutiait des excuses inintelligibles. L’incertitude lui avait paru pire que la mort ; il avait appris le supplice de M. Lacheneur ; il n’avait pas réfléchi ; il allait s’éloigner ; il ne demandait qu’à voir son père ; il voulait seulement embrasser sa mère…

Le prêtre fut inflexible.

— Une émotion peut tuer votre père, déclara-t-il ; apprendre à votre mère votre retour et à quels dangers vous vous êtes follement exposé, serait lui enlever toute sécurité… Retirez-vous… Repassez la frontière cette nuit même.

Jean Lacheneur, témoin de cette scène, s’approcha.

— Je m’éloignerai aussi, monsieur le curé, dit-il, et je vous prierai de garder ma sœur… La place de Marie-Anne est ici et non sur les grands chemins…

L’abbé Midon se tut, évaluant les chances bonnes ou mauvaises, puis brusquement :

— Soit, dit-il, partez ; je n’ai vu votre nom sur aucune liste ; on ne vous poursuit pas…

Ainsi séparé tout à coup de celle qui était sa femme, après tout, Maurice eût voulu se concerter avec elle, lui adresser ses dernières recommandations, l’abbé ne le permit pas.

— Fuyez !… dit-il encore en entraînant Marie-Anne… Adieu !

Le prêtre s’était trop hâté.

Lorsque Maurice avait tant besoin des conseils de sa