Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/366

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sagesse, il le livrait aux inspirations de la haine furieuse de Jean Lacheneur.

Dès qu’ils furent dehors :

— Voilà donc, s’écria Jean, l’œuvre des Sairmeuse et du marquis de Courtomieu !… Je ne sais, moi, où ils ont jeté le corps de mon père exécuté ; vous ne pouvez, vous, embrasser votre père, lâchement, traîtreusement assassiné par eux !…

Il eut un éclat de rire nerveux, strident, terrible, et d’une voix rauque poursuivit :

— Et cependant, si nous gravissions cette éminence, nous apercevrions, dans le lointain, le château de Sairmeuse illuminé… Ce soir, on fête le mariage de Martial et de Mlle Blanche… Nous errons à l’aventure, nous, sans amis, sans asile ; là-bas, ils tiennent table, ils rient, les verres se choquent.

Il n’en fallait pas tant pour rallumer toutes les colères de Maurice. Tout son sang afflua à son cerveau. Il oublia tout pour se dire que troubler cette fête de sa présence serait une vengeance digne de lui.

— Je vais aller provoquer Martial, s’écria-t-il, à l’instant, chez lui…

Mais Jean l’interrompit.

— Non, dit-il, pas cela !… Ils sont lâches, ils vous feraient arrêter. Il faut écrire, je porterai la lettre.

Le caporal Bavois les entendait, il eût pu s’opposer à leur folie…

Mais non… il trouvait toute naturelle et on ne peut plus logique leur fureur de vengeance, et jugeant qu’ils « n’avaient pas froid aux yeux » il les estimait davantage…

A tous risques, ils entrèrent donc dans le premier bouchon qu’ils rencontrèrent sur leur route, et la provocation fut écrite et confiée à Jean Lacheneur….