Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/374

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— Oui, moi !… Allume-moi un grand feu dans le salon et apporte-m’y des vêtements pour me changer…

Le valet obéit, et bientôt Martial se trouva seul, étendu sur un canapé devant la cheminée.

— Il serait beau de dormir, se disait-il, car le railleur reprenait le dessus.

Il essaya, mais il n’était pas de cette force.

Sa pensée lui échappait pour s’envoler à Sairmeuse, dans cette chambre nuptiale où il avait prodigué les plus exquises recherches du luxe.

Il eut dû y être à cette heure, près de Blanche, cette jeune femme si jolie qui était la sienne, qu’il n’aimait pas, mais dont il était passionnément aimé…

Pourquoi l’avoir abandonnée ?… Était-elle donc responsable de l’infamie du marquis de Courtomieu ?

— Pauvre fille !… pensait-il, quelle nuit de noces !…

Au jour, cependant, il s’endormit d’un sommeil fiévreux, et il était plus de neuf heures quand il s’éveilla.

Il se fit servir à déjeuner, décidé à rentrer à Sairmeuse, et il mangeait de bon appétit, quand tout à coup :

— Qu’on me selle un cheval, s’écria-t-il. Vite !… très-vite !…

Il venait de se rappeler le rendez-vous de Maurice… Pourquoi ne pas s’y rendre !…

Il s’y rendit, et, grâce à la rapidité de son cheval, il mettait pied à terre à la Rèche comme sonnait la demie de onze heures.

Les autres ne devant pas être arrivés encore ; il attacha son cheval à un arbre du petit bois de sapins, et lestement il gagna le point culminant de la lande.

Là avait été autrefois la masure de Lacheneur… Il n’en restait que les quatre murs, noircis par l’incendie et à demi-éboulés…

Depuis un moment, Martial contemplait ces ruines, non sans une violente émotion, quand il entendit un grand froissement dans les ajoncs.