Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/375

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il se retourna : Maurice, Jean et le caporal Bavois arrivaient…

Le vieux soldat portait sous le bras un long et étroit paquet enveloppé de serge : c’était des épées que, pendant la nuit, Jean Lacheneur était allé chercher à Montaignac, chez un officier à demi-solde.

— Nous sommes fâchés, monsieur, commença Maurice, de vous avoir fait attendre. Remarquez toutefois qu’il n’est pas midi… Puis nous comptions peu sur vous…

— Je tenais trop à me… justifier, interrompit Martial, pour n’être pas exact.

Maurice haussa dédaigneusement les épaules.

— Il ne s’agit pas de se justifier, monsieur, dit-il d’un ton rude jusqu’à la grossièreté, mais de se battre.

Si insultants que fussent le geste et le ton, Martial ne sourcilla pas.

— Ou le malheur vous rend injuste, dit-il doucement, ou M. Lacheneur ici présent ne vous a rien dit.

— Jean m’a tout raconté…

— Eh bien, alors ?…

Le sang-froid de Martial devait jeter Maurice hors de soi.

— Alors, répondit-il, avec une violence inouïe, ma haine est pareille, si mon mépris a diminué… Vous me devez une rencontre, monsieur, depuis le jour où nos regards se sont croisés sur la place de Sairmeuse, en présence de Mlle Lacheneur… Vous m’avez dit ce jour-là : « Nous nous retrouverons ! » Nous voici face à face… Quelle insulte vous faut-il pour vous décider à vous battre ?…

Un flot de sang empourpra le visage du marquis de Sairmeuse ; il saisit une des épées que lui présentait le caporal Bavois, et tombant en garde :

— Vous l’aurez voulu, dit-il d’une voix stridente… Le souvenir de Marie-Anne ne peut plus vous sauver…

Mais les fers étaient à peine croisés, qu’un cri de Jean et du caporal Bavois arrêta le combat.