Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/378

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— C’est vraiment donner trop d’importance à un petit malentendu qui s’expliquera demain, dit-elle, presque gaiement, aux personnes les plus rapprochées d’elle.

Et aussitôt, s’avançant jusqu’au milieu de la galerie, elle fit signe à l’orchestre de commencer une contre-danse.

Mais aux premières mesures de l’orchestre, éclatant soudainement, tous les invités, d’un mouvement unanime, se précipitèrent vers la porte.

On eût dit que le feu venait de prendre au château… On ne se retirait pas, on fuyait…

Une heure plus tôt, le marquis de Courtomieu et le duc de Sairmeuse étaient excédés d’empressements serviles et de plates adulations…

En ce moment, ils n’eussent pas trouvé dans toute cette foule si noble un homme assez hardi pour leur tendre ouvertement la main.

C’est que l’instant d’avant on les croyait tout-puissants… Ils venaient, pensait-on, de rendre un grand service, en étouffant la conspiration… On les savait bien en cour et amis du roi… On leur supposait sur l’esprit des ministres une influence qui devait tourner au profit de leurs amis…

Tandis que maintenant, à la suite de la lettre si explicite de Maurice, après les aveux de Martial, on voyait le duc et le marquis précipités du faîte de leurs grandeurs, disgraciés, punis peut-être…

Or, le grand art consiste à pressentir les disgrâces…

Héroïque jusqu’au bout, « la mariée » fit, pour arrêter cette déroute, d’incroyables efforts.

Debout près de la porte de la galerie, son plus attrayant sourire aux lèvres, Mme Blanche prodiguait les plus encourageantes et les plus flatteuses paroles, s’épuisant en arguments pour rassurer ces déserteurs.

Elle essayait de piquer les amours-propres. Elle faisait honte aux danseurs, elle s’adressait aux jeunes filles…

Efforts vains !… sacrifices inutiles !… Beaucoup de