Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/379

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femmes, sans doute, ce soir-là, se donnèrent la délicate jouissance de faire payer à la jeune marquise de Sairmeuse les dédains et les épigrammes de Blanche de Courtomieu…

Enfin, le moment arriva où de tous ces hôtes si empressés à accourir, le matin, il ne resta plus qu’un vieux gentilhomme, lequel, prudemment, à cause de sa goutte, avait laissé s’écouler la foule.

Il s’inclina en passant devant la jeune marquise de Sairmeuse, et rougissant de cette insulte à une femme, il sortit comme les autres…

Mme Blanche était seule !… Elle n’avait plus besoin de se contraindre… Il n’y avait plus là de témoins pour épier ses horribles souffrances et en jouir…

D’un geste furieux, elle arracha son voile de mariée et sa couronne de fleurs d’oranger, et dans un transport de rage folle, elle les foula aux pieds…

Un valet de pied traversant la galerie, elle l’arrêta.

— Éteignez partout !… lui dit-elle comme si elle eût été chez son père, à Courtomieu et non pas à Sairmeuse.

On lui obéit, et alors, pâle et échevelée, les yeux hagards, elle courut au petit salon où avait eu lieu la scène…

Des domestiques s’empressaient autour du marquis de Courtomieu qui gisait sur une causeuse.

On avait, quand il s’était affaissé, prononcé le terrible mot d’apoplexie.

Mais le duc de Sairmeuse avait haussé les épaules.

— Tout le sang de ses veines affluerait à son cerveau, qu’il ne lui donnerait pas seulement un étourdissement, dit-il.

C’est que M. de Sairmeuse était furieux contre son ancien ami.

Même, en y réfléchissant, il ne savait trop si c’était à Martial ou au marquis de Courtomieu qu’il devait en vouloir le plus…

Martial, par ses aveux publics, venait certainement de renverser l’échafaudage de sa fortune politique.