Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/382

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— Ah !… que je souffre !… geignait-il, que je souffre !

Sa fille l’écrasa d’un regard méprisant, et d’un ton d’ironie amère :

— Pensez-vous que je suis aux anges ?… prononça-t-elle.

— Parle donc, soupira M. de Courtomieu, parle, puisque tu le veux…

Mais la jeune femme ne pouvait se livrer ainsi.

— Retirez-vous ! dit-elle aux domestiques.

Ils se retirèrent, et après qu’elle eût poussé le verrou de la porte :

— Parlons de Martial… commença-t-elle.

À ce nom, M. de Courtomieu bondit et ses poings se crispèrent.

— Ah ! le misérable !… s’écria-t-il.

— Martial est mon mari, mon père.

— Quoi !… après ce qu’il a fait, vous osez le défendre !…

— Je ne le défends pas, mais je ne veux pas qu’on me le tue.

Qui eût, en ce moment, annoncé la mort de Martial, n’eût pas désespéré M. de Courtomieu.

— Vous l’avez entendu, mon père, poursuivit Mme Blanche, on assigne pour demain, à midi, un rendez-vous à Martial, à la lande de la Rèche… Je le connais, il a été insulté, il s’y rendra… Y rencontrera-t-il un adversaire loyal ?… Non. Il y trouvera des assassins… Vous pouvez l’empêcher d’être assassiné.

— Moi, mon Dieu !… et comment ?

— En envoyant à la Rèche des soldats qui se cacheront dans le bois, et qui, le moment venu, arrêteront les scélérats qui en veulent aux jours de Martial…

Le marquis hocha gravement la tête :

— Si je faisais cela, dit-il, Martial est capable…

— De tout !… oui, je le sais. Mais que vous importe, si je prends tout sur moi ?

Quelle était la véritable intention de « la mariée ? » M. de Courtomieu essaya vainement de la pénétrer.