Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/384

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Le duc de Sairmeuse battait les environs avec quelques domestiques ; mais elle savait bien que c’était peine perdue, qu’ils ne rencontreraient pas Martial…

Où pouvait-il être ? Près de Marie-Anne, certainement… Mme Blanche ne pouvait l’imaginer ailleurs…

Et à cette pensée atroce, qui l’obsédait, elle sentait la folie envahir son cerveau ; elle comprenait le crime ; elle rêvait la vengeance qu’on demande au fer ou au poison…

Martial, à Montaignac, avait fini par s’endormir…

Mme Blanche, quand vint le jour, changea pour des vêtements noirs sa robe blanche de mariée, et on la vit errer comme une ombre dans les jardins de Sairmeuse… Elle n’était plus, véritablement, que l’ombre d’elle-même ; cette nuit d’indicibles tortures avait pesé sur sa tête plus que toutes les années qu’elle avait vécues…

Elle passa la journée enfermée dans son appartement, refusant d’ouvrir au duc de Sairmeuse et même à son père…

Dans la soirée seulement, vers les huit heures, on eut des nouvelles…

Un domestique apportait les lettres adressées par Martial à son père et à sa femme.

Pendant plus d’une minute, Mme Blanche hésita à ouvrir celle qui lui était destinée : son sort allait être fixé, elle avait peur…

Enfin elle rompit le cachet et lut :

« Madame la marquise,

« Entre vous et moi, tout est fini, et il n’est pas de rapprochement possible…

« De ce moment, reprenez votre liberté… Je vous estime assez pour espérer que vous saurez respecter le nom de Sairmeuse que je ne puis vous enlever.

« Vous trouverez comme moi, je pense, une séparation amiable préférable au scandale d’un procès.

« Quand mes hommes d’affaires règleront vos inté-