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Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/418

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mura-t-elle, et la frayeur expliquerait cet accès de délire… Comment savoir qui a osé ce crime ?

Le domestique hocha la tête :

— Je soupçonne, dit-il, ce vieux maraudeur qui vient tuer nos chevreuils en plein jour jusque sous nos fenêtres, mademoiselle le connaît… Chupin…

— Non, ce ne peut être lui.

— Ah ! j’en mettrais pourtant la main au feu !… Il n’y a que lui dans la commune capable de ce mauvais coup.

Mme Blanche ne pouvait dire quelles raisons lui affirmaient l’innocence du vieux maraudeur. Pour rien au monde, elle n’eût avoué qu’elle l’avait rencontré à plus d’une lieue du théâtre du crime, qu’elle l’avait arrêté, qu’elle avait causé avec lui plus d’une demi-heure, enfin qu’elle le quittait à l’instant…

Elle se tut. Aussi bien le médecin arrivait.

Il découvrit — il dut presque employer la force — le visage de M. de Courtomieu, l’examina longtemps, les sourcils froncés ; puis, brusquement, coup sur coup, ordonna des sinapismes, des applications de glace sur le crâne, des sangsues, une potion qu’il fallait vite et vite courir chercher à Montaignac. Tout le monde perdait la tête.

Quand le médecin se retira, Mme Blanche le suivit sur l’escalier :

— Eh bien ! docteur, interrogea-t-elle.

Il eut un geste équivoque, et d’une voix hésitante :

— On se remet de cela, répondit-il.

Mais qu’importait à cette jeune femme, que son père se rétablit ou mourût ! Elle devait suivre d’un œil sec toutes les phases de cette maladie, la plus affreuse qui puisse terrasser un homme.

Ce qui n’empêche que sa conduite fut citée.

Elle avait senti que si elle voulait mettre Martial dans son tort, elle devait ramener l’opinion et s’improviser une réputation toute différente de l’ancienne. Se faire un