Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/42

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Le duc, lui, trouva tout simple et tout naturel ce grand acte de probité.

— Voilà qui est fort bien pour le principal, dit-il. Parlons maintenant des intérêts… Sairmeuse, si j’ai bonne mémoire, rendait autrefois un millier de louis bon an mal an… Ces revenus entassés doivent produire une belle somme, où est-elle ?…

Cette réclamation, ainsi formulée, à ce moment, avait un caractère si odieux que Martial, révolté, fit à son père un signe que celui-ci ne vit pas.

Mais le curé, lui, protesta, essayant de rappeler cet insensé à la pudeur.

— Monsieur le duc !… fit-il, oh ! monsieur le duc ! Lacheneur haussa les épaules d’un air résigné.

— Les revenus, dit-il, je les ai employés à vivre et à élever mes enfants… mais surtout à améliorer Sairmeuse qui rapporte aujourd’hui le double d’autrefois….

— C’est-à-dire que depuis vingt ans, messire Lacheneur joue au châtelain… La comédie est plaisante. Enfin, tu es riche, n’est-ce pas ?…

— Je ne possède rien ! Mais j’espère que vous m’autoriserez à prendre dix mille livres que votre tante m’avait données…

— Ah ! elle t’avait donné mille pistoles !… Et quand cela ?…

— Le soir où elle me remit les quatre-vingt mille francs destinés au rachat de ses terres…

— Parfait !… Quelle preuve as-tu à me fournir de ce legs ?

Lacheneur demeura confondu… Il voulut répondre, il ne le put… Il ne trouvait au service de sa rage que les plus épouvantables menaces ou un torrent d’injures…

Marie-Anne, alors, s’avança vivement.

— La preuve, monsieur le duc, dit-elle d’une voix vibrante, est la parole de cet homme, qui, d’un mot librement prononcé, vient de vous rendre… de vous donner une fortune…