Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/444

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Et dans le fait, pourquoi ne l’eût-il pas trahie, ce misérable, dont le métier était de trahir !… Quelle raison avait-elle d’ajouter foi à ses rapports ? Elle le payait !… La belle affaire ! D’autres, en le payant mieux devaient certainement avoir la préférence !

Qui assurait Mme Blanche que, tandis qu’elle pensait faire surveiller, elle n’était pas surveillée elle-même !… Elle eût reconnu à ce trait la duplicité du marquis de Sairmeuse, de son mari.

Mais comment savoir et savoir vite surtout ? Ah ! elle n’apercevait qu’un moyen, désagréable sans doute, mais sûr : épier elle-même son espion.

Cette idée l’obséda si bien, que le dîner terminé, et comme la nuit tombait, elle appela tante Médie.

— Prends ta mante, bien vite, tante, commanda-t-elle, j’ai une course à faire et tu m’accompagnes.

La parente pauvre étendit la main vers un cordon de sonnette, sa nièce l’arrêta.

— Tu te passeras de femme de chambre, lui dit-elle, je ne veux pas qu’on sache au château que nous sortons.

— Nous irons donc seules ?

— Seules.

— Comme cela, à pied, la nuit…

— Je suis pressée, tante, interrompit durement Mme Blanche, et je t’attends.

Eu un clin d’œil la parente pauvre fut prête.

On venait de coucher le marquis de Courtomieu, les domestiques dînaient, Mme Blanche et tante Médie purent gagner, sans être vues, une petite porte du jardin qui donnait sur la campagne.

— Où allons-nous, mon Dieu !… gémissait tante Médie.

— Que t’importe !… viens…

Mme Blanche allait à la Borderie.

Elle eût pu prendre la route qui borde l’Oiselle, mais elle préféra couper à travers champs, jugeant que de cette façon elle était sûre de ne rencontrer personne.