Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/443

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ressource suprême de tout paysan serré de près, et à chaque moment il s’interrompait pour affirmer sur sa grande foi son repentir, ou pour se bourrer de coups de poing en s’adressant des injures.

— Vieil ivrogne ! disait-il, cela t’apprendra… Maudite boisson !…

Mais ce luxe de protestations, loin de rassurer Mme Blanche, ne faisait que fortifier le soupçon qui lui était venu.

— Tout cela est bel et bien, père Chupin, interrompit-elle d’un ton fort sec, qu’allez-vous faire maintenant pour réparer votre maladresse ?…

Une fois encore la physionomie du vieux maraudeur changea, et, feignant la plus violente colère :

— Ce que je compte faire !… s’écria-t-il ; oh ! on le verra bien. Je prouverai qu’on ne se moque pas de moi impunément. D’abord, je plante là le marquis de Sairmeuse pour ne m’occuper que de cette gueuse de Marie-Anne. Tout près de la Borderie, il y a un petit bocage ; dès ce soir je m’y installe, et je veux que le diable me brûle s’il entre un chat dans la maison sans que je le voie.

— Peut-être votre idée est-elle bonne.

— Oh ! j’en réponds.

Mme Blanche n’insista pas, mais sortant sa bourse de sa poche, elle en tira trois louis qu’elle tendit à Chupin, en lui disant :

— Prenez, et surtout ne vous enivrez plus. Encore une faute comme celle-ci, et je me verrais forcée de m’adresser à un autre.

Le vieux maraudeur s’en alla sifflotant et tout tranquillisé.

On l’employait encore, donc il pouvait toujours compter sur ses invalides…

Il avait tort de se rassurer ainsi. La générosité de Mme Blanche n’était qu’une ruse destinée à masquer ses défiances.

— Je ne dois rien en laisser paraître, pensait-elle, tant que je n’aurai pas une preuve.