Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/447

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sa raison, tranquillement, comme si elle eût fait la chose du monde la plus naturelle, examinant chaque chose…

Malgré les descriptions de Chupin, la pauvreté de ce logis de paysan l’étonnait. Pas d’autre plancher que le sol raboteux, les murs étaient à peine passés à la chaux, et aux solives, toutes sortes de graines et de paquets d’herbes pendaient ; de lourdes tables à peine équarries, quelques chaises grossières, des escabeaux et des bancs de bois constituaient tout le mobilier.

Marie-Anne, évidemment, habitait la pièce du fond. C’était la seule où il y eût un lit, un de ces immenses lits de campagne, larges et hauts, à baldaquin avec des colonnes torses, drapés de rideaux de serge verte glissant sur des tringles de fer.

À la tête du lit, accroché au mur, pendait un bénitier dont la croix retenait un rameau de buis desséché. Mme Blanche trempa son doigt dans le bénitier, il était plein d’eau bénite.

Devant la fenêtre, une tablette de bois blanc retenue par un crochet mobile, supportait un pot à eau et une cuvette de la faïence la plus commune.

— Il faut avouer, se dit Mme Blanche, que mon mari loge mal ses amours !…

Réellement, elle en était presque à se demander si la jalousie ne l’avait pas égarée.

Elle se rappelait les habitudes délicates de Martial, les recherches de son existence fastueuse, et elle ne savait pas comment les concilier avec ce dénûment. Puis, il y avait cette eau bénite !…

Ses doutes lui revinrent dans la cuisine.

Il y avait sur le fourneau un pot-au-feu qui « embaumait, » et sur des cendres chaudes, plusieurs casseroles où mijotaient des ragoûts.

— Tout cela ne peut être pour elle, murmura Mme Blanche.

Et le souvenir lui revenant de ces deux fenêtres du premier étage qu’elle avait vues illuminées par les clartés tremblantes de la flamme.