Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/47

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leur fils Maurice, jouant entre eux, sur le tapis, il leur paraissait qu’ils n’avaient rien à souhaiter ici-bas.

Les événements de la fin de l’Empire les surprirent en plein bonheur.

Les surprirent… non. Il y avait longtemps déjà que M. d’Escorval sentait chanceler le prodigieux édifice du génie dont il avait fait son idole.

Certes, il ressentit un cruel chagrin de la chute, mais il fut navré surtout de l’indigne spectacle des trahisons et des lâchetés qui la suivirent. Il fut épouvanté et écœuré, quand il vit la levée en masse de toutes les cupidités se précipitant à la curée.

Dans ces dispositions, l’isolement de l’exil devait lui paraître un bienfait…

— Sans compter, disait-il à la baronne, que nous serons vite oubliés ici.

Ce n’était pas tout à fait ce qu’il pensait.

Mais, de son côté, sa noble femme gardait un visage tranquille alors qu’elle tremblait pour la sécurité des siens.

Ce premier dimanche d’août, cependant, M. d’Escorval et sa femme étaient plus tristes que de coutume. Le même pressentiment vague d’un malheur terrible et prochain leur serrait le cœur.

À l’heure même où Lacheneur se présentait chez l’abbé Midon, ils étaient accoudés à la terrasse de leur maison, et ils exploraient d’un oeil inquiet les deux routes qui conduisent d’Escorval au château et au village du Sairmeuse.

Prévenu, le matin même, par ses amis de Montaignac de l’arrivée du duc, le baron avait envoyé son fils avertir M. Lacheneur.

Il lui avait recommandé d’être le moins longtemps possible… et malgré cela, les heures s’écoulaient et Maurice ne reparaissait pas.

— Pourvu, pensaient-ils chacun à part soi, qu’il ne lui soit rien arrivé !…

Non, il ne lui était rien arrivé… Seulement un mot