Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/470

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l’abbé qui ne connaissait pas les êtres de la maison, fut obligé de chercher l’escalier à tâtons.

Enfin, il le trouva et monta…

Mais sur le seuil de la chambre, il s’arrêta, pétrifié par l’horreur du spectacle qui s’offrit à lui…

La pauvre Marie-Anne gisait à terre, étendue sur le dos… Ses yeux, grands ouverts, étaient comme noyés dans un liquide blanchâtre ; sa langue noire et tuméfiée, sortait à demi de sa bouche.

— Morte !… balbutia le prêtre. Morte !…

Cependant, elle pouvait ne l’être pas… Il se roidit contre sa défaillance, et se penchant vers la malheureuse, il lui prit la main. Cette main était glacée et le bras avait la rigidité d’une barre de fer.

C’était plus d’indications qu’il n’en fallait pour éclairer l’expérience de l’abbé Midon.

— Empoisonnée !… murmura-t-il, avec de l’arsenic…

Il s’était relevé, perdu de stupeur, et son regard errait autour de la chambre, quand il aperçut son coffre de médicaments ouvert sur une table.

Vivement il s’avança, prit sans hésiter un flacon, le déboucha et le retourna dans le creux de sa main… il était vide.

— Je ne m’étais pas trompé ! fit-il.

Mais il n’avait pas de temps à perdre en conjectures.

L’important, avant tout, était de décider le baron à retourner à la ferme, sans pourtant lui apprendre un malheur qui l’eût fortement impressionné.

Imaginer un prétexte était assez facile.

Faisant sur soi-même un violent effort, le prêtre recouvra presque les apparences du sang-froid, et courant à la route, il expliqua au baron que le séjour de la Borderie était devenu impossible, qu’on avait vu rôder des hommes suspects, qu’on devait être plus prudent que jamais, maintenant qu’on connaissait les bonnes intentions de Martial de Sairmeuse…

Non sans résistance, le baron céda.