Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/471

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— Vous le voulez, curé, soupira-t-il, j’obéis… Allons, Poignot, mon garçon, ramène-moi chez ton père…

Mme d’Escorval était montée sur la charrette près de son mari, le prêtre les regarda s’éloigner, et lorsqu’il n’entendit plus le bruit des roues il regagna la Borderie…

Il atteignait le corridor, quand des gémissements qu’il entendit, et qui partaient de la chambre de la morte, firent affluer tout son sang à son cœur… Il avança rapidement.

Près du corps de Marie-Anne, un homme agenouillé pleurait.

C’était un tout jeune homme, vêtu de haillons, et l’expression de son visage, son attitude, ses sanglots, trahissaient un immense désespoir.

Même, sa douleur profonde absorbait si complètement toutes les facultés de son âme, qu’il ne s’aperçut ni de l’arrivée ni de la présence de l’abbé Midon.

Qui était ce malheureux, qui avait osé s’introduire ainsi dans la maison ?

Après un premier moment de stupeur, l’abbé le devina plutôt qu’il ne le reconnut.

— Jean !… cria-t-il d’une voix forte et à deux reprises, Jean Lacheneur !…

D’un bond, le jeune homme fut debout, pâle, menaçant ; la flamme de la colère séchait les larmes dans ses yeux.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-il d’un ton terrible, que faites-vous ici ?… Que me voulez-vous ?…

Sous ses habits de paysan, avec sa longue barbe, l’ancien curé de Sairmeuse était à ce point méconnaissable qu’il fut obligé de se nommer.

Mais, dès qu’il eut prononcé son nom, Jean eut un cri de joie.

— C’est le bon Dieu qui vous envoie, monsieur l’abbé, s’écria-t-il… Marie-Anne ne peut pas être morte !… Vous allez la sauver, vous qui en avez sauvé tant d’autres…

À un geste du prêtre qui lui montrait le ciel, il s’ar-