Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/498

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Au contraire de Jean, il mettait son honneur à garder l’honneur de la morte, et il avait exigé que le nom de Marie-Anne ne fût jamais prononcé.

— Nous réussirons quand même, disait l’abbé ; avec du temps et de la patience, on vient à bout de tout…

Il avait divisé le pays en un certain nombre de zones, et chacun, chaque jour, en parcourait une, allant de porte en porte, interrogeant, questionnant, non sans précautions toutefois, de peur d’éveiller des défiances, car le paysan qui se défie devient intraitable.

Mais le temps passait, les recherches restaient vaines et le découragement s’emparait de Maurice.

— Mon enfant est mort en naissant… répétait-il.

Mais l’abbé le rassurait.

— Je suis moralement sûr du contraire, répondait-il. Je sais exactement, par une absence de Marie-Anne, à quelle époque est né son enfant. Je l’ai revue dès qu’elle a été relevée, elle était relativement gaie et souriante… tirez la conclusion.

— Et cependant il n’est bientôt plus, aux environs, un coin que nous n’ayons fouillé.

— Eh bien !… nous étendrons le cercle de nos investigations…

Le prêtre, en ce moment, cherchait surtout à gagner du temps, sachant bien que le temps est le guérisseur souverain de toutes les douleurs.

Sa confiance, très-grande au commencement, avait été singulièrement altérée par la réponse d’une bonne femme qui passait pour une des meilleures langues de l’arrondissement.

Adroitement mise sur la sellette, cette vieille répondit qu’elle n’avait aucune connaissance d’un bâtard mis en nourrice dans les environs, mais qu’il fallait qu’il s’en trouvât quelqu’un, puisque c’était la troisième fois qu’on la questionnait à ce sujet…

Si grande que fut sa surprise, l’abbé sut la dissimuler.

Il fit encore causer la bonne femme, et d’une conver-