Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/515

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sence d’une de ces difficultés qu’un mandataire ne saurait résoudre. Il ne s’expliquait pas davantage.

— La peste étouffe le maladroit ! répétait Martial. Il est capable de manquer une occasion que mon père attendait depuis dix ans. Je ne saurais me plaire à Paris, si je n’habite l’hôtel de ma famille.

Sa hâte d’arriver était si grande, que le second jour de voyage, le soir il déclara que s’il eût été seul il eût couru la poste toute la nuit.

— Qu’à cela ne tienne, dit gracieusement Mme Blanche, je ne me sens aucunement fatiguée, et une nuit en voiture est loin de me faire peur…

Ils marchèrent en conséquence toute la nuit, et le lendemain, qui était un samedi, sur les neuf heures du matin, ils descendaient à l’hôtel Meurice.

C’est à peine si Martial prit le temps de déjeuner.

— Il faut que je voie où nous en sommes, fit-il en se dépêchant de sortir, je serai bientôt de retour.

Il reparut, en effet, moins de deux heures après, tout joyeux, cette fois.

— Mon homme d’affaires, dit-il, n’est qu’un nigaud. Il n’osait pas m’écrire qu’un coquin, de qui dépend la conclusion de la vente, exige un pot-de-vin de cinquante mille francs ; il les aura, pardieu !

Et d’un ton de galanterie affectée qu’il prenait toujours en s’adressant à sa femme :

— Je n’ai plus qu’à signer, ma chère amie, ajouta-t-il ; mais je ne le ferai que si l’hôtel vous convient. Je vous demanderais, si vous n’êtes pas trop lasse, de venir le visiter. Le temps presse, nous avons des concurrents…

Cette visite, assurément, était de pure forme. Mais Mme Blanche eût été bien difficile si elle n’eût pas été satisfaite de cet hôtel de Sairmeuse, qui est un des plus magnifiques de Paris, dont l’entrée est rue de Grenelle et dont les jardins ombragés d’arbres séculaires s’étendent jusqu’à la rue de Varennes.