Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/516

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Cette belle demeure malheureusement avait été fort négligée depuis plusieurs années.

— Il faudra six mois pour tout restaurer, disait Martial d’un ton chagrin, un an peut-être… Il est vrai qu’on peut, avant trois mois, avoir ici un appartement provisoire très-habitable.

— On y serait chez soi, du moins, approuva Mme Blanche, devinant le désir de son mari.

— Ah !… c’est aussi votre avis !… En ce cas, comptez sur moi pour presser les ouvriers.

En dépit, ou plutôt en raison de son immense fortune, le marquis de Sairmeuse savait qu’on n’est guère bien servi, vite et selon ses désirs que par soi-même. Pressé, il résolut de s’occuper de tout. Il s’entendait avec les architectes, il voyait les entrepreneurs, il courait les fabricants.

Sitôt levé, il décampait, déjeunait dehors, le plus souvent, il ne rentrait que pour dîner.

Réduite par le mauvais temps à passer toutes ses journées dans son appartement de l’hôtel Meurice, Mme Blanche ne se trouvait pourtant pas à plaindre.

Le voyage, le mouvement, la vue d’objets inaccoutumés, le bruit de Paris sous ses fenêtres, un entourage étranger, toutes sortes de préoccupations enfin, l’arrachaient pour ainsi dire à soi-même. Les épouvantements de ses nuits faisaient trêve, une sorte de brume enveloppait l’horrible scène de la Borderie, les clameurs de sa conscience devenaient murmure…

Même, elle en arrivait à haïr moins tante Médie, qui, à la condition près de faire deux toilettes par jour, reprenait ses vieilles habitudes de servilité et lui tenait compagnie…

Le passé s’effaçait, croyait-elle, et elle s’abandonnait aux espérances d’une vie toute nouvelle et meilleure, quand un jour un des domestiques de l’hôtel parut, et dit :

— Il y a en bas un homme qui demande à parler à madame la marquise.