Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/518

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son livre et s’affaissa sur sa chaise, tout inerte, les bras pendants.

Mme Blanche, elle, se dressa tout d’une pièce, plus pâle que son peignoir de cachemire blanc, l’œil trouble, les lèvres tremblantes.

— Chupin ! répétait-elle, comme si elle eût espéré qu’on allait lui dire qu’elle avait mal entendu, Chupin !…

Puis, avec une certaine violence :

— Répondez à cet homme que je ne veux ni le voir ni l’entendre. Il est inutile qu’il se représente. Jamais je ne le recevrai !…

Mais, dans le temps que mit le domestique à s’incliner respectueusement et à gagner la porte à reculons, la jeune femme se ravisa.

— Au fait, non, prononça-t-elle, j’ai réfléchi, faites monter cet homme.

— Oui, approuva tante Médie d’une voix défaillante, qu’il vienne, cela vaut mieux.

Le domestique sortit, et les deux femmes restèrent en face l’une de l’autre, immobiles, consternées, le cœur serré par les plus effroyables appréhensions, la gorge serrée au point de ne pouvoir qu’à grand peine articuler quelques paroles.

— C’est un des fils de ce vieux scélérat de Chupin, dit enfin Mme Blanche.

— En effet, je le crois, mais que veut-il ?

— Quelque secours, probablement.

La parente pauvre leva les bras au ciel.

— Fasse Dieu qu’il ignore tes rendez-vous avec son père, Blanche, prononça-t-elle. Doux Jésus !… pourvu qu’il ne sache rien !

— Eh ! que veux-tu qu’il sache. Ne vas-tu pas te désespérer à l’avance ! Dans dix minutes, nous serons fixées. D’ici là, tante, du calme. Et même, crois-moi, tourne-nous le dos, regarde dans la rue pour qu’on ne voie pas ta figure… Mais pourquoi ce coquin tarde-t-il tant à paraître…