Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/520

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Après un moment, voyant qu’il demeurait stupide, un sourire idiot sur les lèvres, tortillant son chapeau de feutre, Mme Blanche se décida à rompre le silence.

— Vous désirez ?… demanda-t-elle.

Le gars Chupin était intimidé, mais il n’avait point peur : ce n’est pas du tout la même chose. Il garda son masque de gaucherie, mais recouvrant son aplomb, il se mit à débiter avec, un accent traînard toutes les formules de respect qu’il savait.

— Au fait, insista la jeune femme impatientée.

Amener au fait un paysan n’est pas facile, et ce n’est qu’après beaucoup de vaines paroles encore, que Chupin expliqua longuement qu’il avait été obligé de quitter le pays à cause des ennemis qu’il y avait, qu’on n’avait pas retrouvé le trésor de son père, qu’il était, en conséquence, sans ressources…

— Oh ! assez ! interrompit Mme Blanche.

Puis, d’un ton qui n’était rien moins que bienveillant :

— Je ne vois pas, continua-t-elle, à quel titre vous vous adressez à moi. Vous aviez, comme toute votre famille, une réputation détestable à Sairmeuse. Enfin, n’importe, vous êtes de mon pays, je consens à vous accorder un secours, à la condition que vous n’y reviendrez pas.

C’est d’un air moitié humble et moitié goguenard que Chupin écouta cette semonce. À la fin, il releva la tête :

— Je ne demande pas l’aumône, articula-t-il fièrement.

— Que demandez-vous donc ?

— Mon dû.

Mme Blanche reçut un coup dans le cœur, et cependant, elle eut le courage de toiser Chupin d’un air dédaigneux, en disant :

— Ah ! je vous dois quelque chose !…

— Pas à moi personnellement, madame la marquise, mais à mon défunt père. Au service de qui donc a-t-il