Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/521

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péri ? Pauvre vieux ! Il vous aimait bien, allez… tout comme moi, du reste. Sa dernière parole, avant de mourir, a été pour vous. « Vois-tu, gars, qu’il me dit, il vient de se passer des choses terribles à la Borderie. La jeune dame de M. le marquis en voulait à Marie-Anne, et elle lui a fait passer le goût du pain. Sans moi, elle était perdue. Quand je serai crevé, laisse-moi tout mettre sur le dos, la terre n’en sera pas plus froide et ça innocentera la jeune dame… Et après, elle te récompensera bien, et tant que tu te tairas tu ne manqueras de rien… »

Si grande que fût son impudence, il s’arrêta, stupéfait de la physionomie de Mme Blanche.

En présence de cette dissimulation supérieure, il douta presque du récit de son père.

C’est que véritablement la jeune femme fut héroïque en ce moment. Elle avait compris que céder une fois c’était se mettre à la discrétion de ce misérable, comme elle était déjà à la merci de tante Médie. Et avec une merveilleuse énergie, elle payait d’audace.

— En d’autres termes, fit-elle, vous m’accusez du meurtre de Mlle Lacheneur, et vous me menacez de me dénoncer si je ne vous accorde pas ce que vous allez exiger ?

Le gars Chupin inclina affirmativement la tête.

— Eh bien !… reprit Mme Blanche, puisqu’il en est ainsi, sortez !…

Il est sûr qu’elle allait, à force d’audace, gagner cette partie périlleuse, dont le repos de sa vie était l’enjeu ; Chupin était absolument déconcerté, lorsque tante Médie qui écoutait, debout devant la fenêtre, se retourna, tout effarée, en criant :

— Blanche !… ton mari… Martial !… Il entre… il monte.

La partie fut perdue… La jeune femme vit son mari arrivant, trouvant Chupin, le faisant parler, découvrant tout.

Sa tête s’égara, elle s’abandonna, elle se livra.