Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/525

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moyennant une grosse somme, qu’il quittât Paris, la France, qu’il s’en allât si loin qu’on n’entendit plus jamais parler de lui…

Naturellement Chupin était sorti de l’hôtel sans rien dire…

Les sinistres pressentiments exprimés par Martial, ajoutaient encore à l’épouvante de la jeune femme. Elle aussi, rien qu’au nom de Lacheneur, se sentait remuée jusqu’au plus profond de ses entrailles. Elle ne pouvait s’ôter l’idée qu’il soupçonnait quelque chose, et que, des bas fonds de la société où le retenait sa misère, il la guettait…

C’est alors que plus vivement que jamais elle désira retrouver l’enfant de Marie-Anne.

Outre qu’elle se débarrasserait ainsi des obsessions de son serment violé, il lui semblait que cet enfant la protégerait peut-être un jour et qu’il serait entre ses mains comme un otage.

Mais où rencontrer un homme à qui se confier ?…

Se mettant l’esprit à la torture, elle se souvint d’avoir entendu autrefois son père parler d’un espion du nom de Chefteux, garçon prodigieusement adroit, disait-il, et capable de tout, même d’honnêteté, quand on y mettait le prix.

C’était un de ces misérables comme il en grouille dans les bourbiers de la politique, aux époques troublées, un jeune mouchard dressé par Fouché, qui avait toute honte bue, qui avait servi et trahi tour à tour tous les partis, qui avait trafiqué de tout, et qui, en dernier lieu, avait été condamné pour faux et s’était évadé du bagne.

En 1815, Chefteux avait quitté ostensiblement la police, pour fonder un « bureau de renseignements privés. »

Après quelques informations, Mme Blanche apprit que cet homme demeurait place Dauphine, et elle résolut de profiter de l’absence de son mari pour s’adresser à lui.

Un matin donc, elle s’habilla le plus simplement pos-