Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/526

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sible et, suivie de tante Médie, elle alla frapper à la porte de l’élève de Fouché.

Chefteux avait alors trente-quatre ans. C’était un petit homme de taille moyenne, de mine inoffensive, et qui affectait une continuelle bonne humeur.

Il fit entrer ses deux clientes dans un petit salon fort proprement meublé, et tout aussitôt Mme Blanche se mit à lui raconter qu’elle était mariée et établie rue Saint-Denis, et qu’une de ses sœurs, qui venait de mourir, avait fait une faute, et qu’elle était prête aux plus grands sacrifices pour retrouver l’enfant de cette sœur, etc., etc., enfin, tout une histoire, qu’elle avait préparée, et qui était assez vraisemblable.

L’espion n’en crut pourtant pas un mot, car, dès qu’elle eut achevé, il lui frappa familièrement sur l’épaule, en disant :

— Bref, la petite mère, nous avons fait nos farces avant le mariage…

Elle se rejeta en arrière, comme au contact d’un reptile, écrasant du regard l’homme des renseignements.

Être traitée ainsi, elle, une Courtomieu, duchesse de Sairmeuse !

— Je crois que vous vous méprenez ! fit-elle d’un accent où vibrait tout l’orgueil de sa race.

Il se le tint pour dit, et se confondit en excuses.

Mais tout en écoutant et en notant les indispensables détails que lui donnait la jeune femme, il pensait :

— Quel œil ! quel ton !… De la part d’une bourgeoise du quartier Saint-Denis, c’est louche…

Ses soupçons furent confirmés par la somme de 20,000 francs que lui promit imprudemment Mme Blanche en cas de succès et par la consignation de 500 francs d’arrhes.

— Et où aurai-je l’honneur de vous adresser mes communications, madame ?… demanda-t-il.

— Nulle part… répondit la jeune femme, je passerai ici de temps à autre…