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Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/528

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Elle n’essaya pas de le dissuader. Mieux valait qu’il crût cela que s’il eût soupçonné la vérité.

Mme Blanche rentra dans un état à faire pitié.

Elle se sentait comme prise sous un inextricable filet, et à chaque mouvement, loin de se dégager, elle resserrait les mailles.

Le secret de sa vie et de son honneur, trois personnes le possédaient. Comment dans de telles conditions espérer garder un secret, cette chose subtile qui, le temps seulement de passer de la bouche à une oreille amie, s’évapore et se répand !

Elle se voyait trois maîtres qui d’un geste, d’un mot, d’un regard, pouvaient plier sa volonté comme une baguette de saule.

Et elle n’était plus libre comme autrefois.

Martial était revenu. Le temps avait marché. La somptueuse installation de l’hôtel de Sairmeuse était terminée…

Désormais, la jeune duchesse était condamnée à vivre sous les yeux de cinquante domestiques, de quarante ennemis au moins, par conséquent intéressés à la surveiller, à épier ses démarches, à deviner jusqu’à ses plus intimes pensées.

Il est vrai que tante Médie lui était plus utile que nuisible. Elle lui achetait une robe toutes les fois qu’elle s’en achetait une, elle la traînait partout à sa suite, et la parente pauvre se déclarait ravie et prête à tout.

Chefteux n’inquiétait pas non plus beaucoup Mme Blanche.

Tous les trois mois, il présentait un mémoire de « frais d’investigations » s’élevant à dix mille francs environ, et il était clair que tant qu’on le payerait il se tairait.

L’ancien espion n’avait d’ailleurs pas fait mystère de l’espoir qu’il avait d’une rente viagère de vingt-quatre mille francs.

Mme Blanche lui ayant dit, après deux années, qu’il devait renoncer à ses explorations puisqu’il n’aboutissait à rien :