Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/527

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Lorsqu’il reconduisit ses clientes, l’espion ne doutait plus…

Dès qu’il les jugea au bas de l’escalier, il s’élança dehors en se disant :

— Pour le coup, je crois que la chance me sourit.

Suivre ces deux clientes que lui envoyait sa bonne étoile, s’informer, découvrir leur nom et leur qualité n’était qu’un jeu pour l’ancien agent de Fouché.

Il avait la partie d’autant plus belle, qu’elles étaient à mille lieues de soupçonner ses desseins.

La bassesse du personnage et sa générosité, à elle, rassuraient absolument Mme Blanche. Il lui avait d’ailleurs si fort vanté ses prodigieux moyens d’investigations, qu’elle se tenait pour certaine du succès.

Tout en regagnant l’hôtel Meurice, elle s’applaudissait de sa démarche.

— Avant un mois, disait-elle à tante Médie, nous aurons cet enfant ; je le ferai élever secrètement et il sera notre sauvegarde…

La semaine suivante, seulement, elle reconnut l’énormité de son imprudence.

Étant retournée chez Chefteux, il l’accueillit avec de telles marques de respect, qu’elle vit bien qu’elle était connue…

Consternée, elle essaya de donner le change, mais l’espion l’interrompit :

— Avant tout, fit-il avec un bon sourire, je constate l’identité des personnes qui m’honorent de leur confiance. C’est comme un échantillon de mon savoir-faire, que je donne… gratis. Mais que madame la duchesse soit sans crainte : je suis discret par caractère et par profession. Nous avons d’ailleurs quantité de dames de la plus haute volée dans la position de madame la duchesse. Un petit accident avant le mariage est si vite arrivé !…

Ainsi Chefteux était persuadé que c’était son enfant à elle, que la jeune duchesse de Sairmeuse faisait rechercher.